Corpus de textes du Laslar

1875

Mars

Anonyme, « Conférences », Le Globe, 14 mars 1875, p. 12.

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Conférences, 39, boulevard des Capucines, à 8 h. 1/2 du soir. — Dimanche 14 mars, M. Jean Richepin : La Chanson des Gueux. — Lundi 15 mars, M. Henri de la Pommeraye : La Semaine dramatique, 16e feuilleton parlé. — Mardi 16 mars, M. Charles Monselet : Rétif de la Bretonne, analyse du Paysan perverti. — Mercredi 17 mars, M. H. Ghavée : Le Spiritisme et la Psychologie expérimentale. — Jeudi 18 mars, M. Henri de la Pommeraye : Etude sur l’Aventure d’une Ame en peine, roman historique de M. Gilbert-Augustin Thierry. — Vendredi 19 mars, M. Jules Arboux : Lamennais,

Anonyme, « Conférences du boulevard des Capucines », La Gazette, 15 mars 1875, p. 2.

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Les portes ouvriront à 8 heures ; on commencera à 8 heures et demie du soir.

Ce soir, conférence par M. Jean Richepin : La Chanson des Gueux.

Anonyme, « Spectacles du dimanche 14 mars », La République, 15 mars 1875, p. 2.

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Salle des conférences, 39, boul. des Capucines, à 8h ½ du soir. – Aujourd’hui dimanche 14 mars. M. Jean Richepin : « La Chanson des Gueux ».

Novembre

Anonyme, « Derrière la toile », Le Rappel, 20 novembre 1875, p. 4.

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On nous annonce que M. Jean Richepin doit prochainement jouer Kean aux matinées dramatiques de l’Ambigu-Comique. Le beau drame d’Alexandre Dumas aura pour interprète un jeune et puissant artiste du plus grand avenir, que nous ne saurions trop encourager.

Angus, « Courrier des théâtres », La Presse, 22 novembre 1875, p. 3.

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On parle d'un nouveau Kean. M. Richepin jouerait ce grand- rôle dans une des prochaines matinées de l'Ambigu. Si nous ne nous abusons. M. Richepin ne serait autre qu'un de nos confrères qui signa Zaffari dans feu le Corsaire.

Décembre

Le Lynx, « Echos de Paris » L’Opinion nationale, 17 décembre 1875, p. 5.

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C’était fête joyeuse et fête artistique, hier soir, au Tintamarre ; M. Léon Bienvenu (Touchatout) réunissait dans son salon ses nombreux amis.

Il avait, au reste, à leur offrir un programme des plus attrayants : nos principaux artistes lui avaient à l’envi offert leur gracieux concours.

Mlle Julia Hisson a chanté Pair de la Reine de Saba ; Ismaël, les Champs de Houblon, une ravissante romance dont la musique est de Blasini ; Mlle Dégremont, une future artiste du Théâtre-Lyrique, a détaillé avec beaucoup de talent une Valse du printemps ; et MM. Salomon, Lassalle et Boudouresque ont chanté le trio de Guillaume Tell !

M. Garcin, le nouveau professeur de violon au Conservatoire, a exécuté une fantaisie sur Faust.

Joignez à cette liste, déjà imposante, Coquelin cadet et Mlle Bianca qui ont détaillé, avec la finesse qu’on leur connaît, la jolie sornette de Verconsin intitulée : En wagon et vous aurez l'idée de cette soirée ; presque une solennité.

Aussi les invités étaient nombreux. Citons au hasard MM. Louis l'Ulbach, Edouard Locroy, Edmond Magnier, Aurélien Scholl, Ernest d’Hervilly, Richepin, Paul Courty, Lafosse, Arthur Meyer, Raoul Dral, Paz, Alexis Bouvier, le docteur Jobert. etc., etc.

M. et Mme Bienvenu ont fait avec une charmante affabilité les honneurs de la soirée, qui comptera parmi les plus brillantes de l'hiver.

Inutile de louer les artistes que nous avons nommés ; chacun les connaît, les apprécie et les applaudit. Ils ont été l'objet d’une véritable ovation.

Robert Briquet, « Une soirée au Tintamarre, Le Tintamarre, 19 décembre 1875, p. 3.

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Mardi dernier, la longue file des abonnés qui se pressait au guichet d'Ernest (rien d'Ernesto Rossi) était toute surprise de se voir, à quatre heures précises — heure réglementaire de la fermeture de nos bureaux — coupée net au ras de la porte, comme la queue d'un simple enterrement civil par un préfet à poigne.

Quel événement pouvait donc motiver cette rigueur excessive ?

Pourquoi tant de seize francs refusés avec ce mépris ?

C'étaient tout simplement les tapissiers du futur sénat (un sénateur par jour) qui prenaient possession en toute hâte du local du Tintamarre, afin de le métamorphoser pour la grande réception de gala du soir.

Nous renonçons à décrire les merveilles qui furent exécutées en moins de cinq heures par ces vaillants artistes du baldaquin et de la torsade.

A neuf heures précises, tout était transformé.

Et d'une voix de stentor à faire crever de jalousie le maître des cérémonies de madame la princesse de Ratazzi, renommé cependant pour son beau creux, un des colleurs de bande du journal qui se tenait en bas de soie et de l'escalier d'honneur, annonçait les invités.

Mais quittons ce ton sérieux.

Mardi dernier, donc, notre rédacteur en chef offrait à nos amis de la presse sa première réunion artistique de la saison.

Nous serions, bien entendu, gênés pour raconter ici combien cette fête a été charmante.

Mais ce que nous avons bien le droit de faire, c'est de constater avec quelle bonne grâce et quelle cordialité quelques-uns des plus célèbres artistes parisiens ont organisé, sous forme d'impromptu, le plus brillant programme qu'il soit possible de rêver.

Ismaêl a fait entendre les Champs de houblon, nouvelle composition très-puissante de Louis Blasini, l'auteur de la Valse du Printemps.

Le maître avait aussi amené deux de ses meilleurs élèves : Mlle Desgremont, qui a interprété la susdite Valse du Printemps avec une voix superbe ; et M. Queulain, une jeune basse chantante, qui s'est fait applaudir dans l'air, très peu commode, du Philtre.

Puis est venu Coquelin cadet, qui a égrené à profusion son répertoire fantaisiste qu'il compose avec tant de goût. Citons entre autres le Vieil habit, de Richepin, une petite merveille.

Le joyeux Fadinard du Chapeau de paille d'Italie a ensuite joué avec la charmante et spirituelle Mademoiselle Bianca de la Comédie-Française : En wagon, de Verconsin.

Le grand air de Don Carlos, interprété par M. Boudouresque de l'Opéra, le formidable Bertram d'un avenir très -prochain, a commencé à compromettre sérieusement la solidité de l'immeuble où perche le Tintamarre.

Au bruit de ces terribles détonations de la clef de fa, les locataires des étages inférieurs ont mis le nez à leurs fenêtres, effarés par un mouvement de trépidation inquiétant.

Ce que voyant, Hamlet-Lassalle a, pour les calmer un instant, fait entendre quelques-unes des douces mélodies de Gounod, qu'il aime beaucoup, et qu'il chante comme il les aime.

Primavère et l’Extase ont en même temps charmé l'assistance et rassuré les locataires mitoyens qui sont allés se coucher à peu près tranquillisés.

Garcin, de l'Opéra, est venu avec son violon et sa délicieuse fantaisie sur Faust, enchanter l'auditoire. Après Boudouresque, Lassalle et Garcin. Après la trombe, la brise douce et légère.

Mais hélas !... ce n'était là pour nos infortunés voisins qu'un instant de répit.

Lassalle, Salomon et Boudouresque viennent se ranger silencieusement au piano, à côté de l'infatigable Blasini

Tout à coup on entend cette interjection terrible : « Tu n'étais pas seul en ces lieux !»

C'est le grand trio de Guillaume Tell qui éclate !

Depuis longtemps, on le sait, cette remarquable page n'avait réuni à l'Opéra trois interprètes aussi complets.

Que l'on juge de l'effet qu'ils peuvent produire dans un salon de… petit Journal.

Au fameux : Ou l'indépendance ou la mort !... les tentures sont arrachées, les porcelaines brisées, les bronzes tordus, les vitres cassées, les invités culbutés, les cloisons lézardées.

Par dessous les portes la bourrasque s'engouffre dans l'escalier, enlève les paillassons et les cordons de sonnettes de tous les étages, et les précipite en tas sur la chaussée du boulevard de Strasbourg.

Louis Ulbach lui-même, qui montait à ce moment, est renversé.

Les voisins, réveillés en sursaut, se lèvent en chemise, et croyant à un cataclysme, jettent à la hâte par les fenêtres tout ce qu'ils ont de plus précieux.

Heureusement !... L’idée ne vient à aucun d'eux d'y jeter sa femme ni sa belle-mère.

Enfin le trio s'achève au milieu de l'enthousiasme des invités. La panique extérieure cesse.

Et M. Thiéron et Bruet, deux charmants artistes attachés à l'Eldorado, viennent terminer la soirée (quatre heures du matin) l'un avec la romance de Martha dite avec beaucoup de sentiment, l'autre avec de douces tyroliennes pleines de charme.

Nous avons gardé pour la fin le plaisir de mentionner un des incidents les plus intéressants de cette soirée, aussi solennelle qu'intime.

Mademoiselle Julia Hisson s'est fait entendre dans le magnifique grand air de la Reine de Saba.

Jamais la superbe Sélika que nous connaissons tous ne s'était montrée plus belle et plus dramatique. Jamais cette voix étonnante n'avait retenti plus pure et plus puissante.

Eloignée du théâtre depuis quelque temps, — trop longtemps, — mademoiselle Julia Hisson vient de contracter, là devant nos amis de la presse, qui ne manqueront pas de le crier sur les toits, un engagement auquel il lui sera difficile d'échapper plus longtemps.

Nous sommes certainement partisans, au Tintamarre, de la liberté individuelle ; mais il est des cas où nous comprenons presque qu'on la viole.

Et si nous étions au pouvoir, nous rendrions un décret condamnant mademoiselle Julia Hisson à mort si dans les trois mois elle n'avait pas reparu sur la scène de l'Opéra.

Ainsi s'est terminée cette soirée qui a un instant compromis la tranquillité du quartier.

Au nombre de nos amis, qui s'étaient joints à toute la rédaction du Tintamarre, bien entendu, citons au hasard MM. Edmond Magnier, Marc de Montifaut, Raoul Dral et Meyer du Sifflet. Edouard Lockroy, Ernest d'Hervilly, Richard Leselide, Aurélien Scholl, Bouvier, le docteur Jobert, Antoine Beaure, Doublemard, Paul Courty, Eugène Paz, Y von, Louis Ulbach, Lafosse, Renard directeur de l'Eldorado, Richepin l'acteur, Labbe, etc., etc. Sans oublier Henri Cellot, qui, de la meilleure grâce du monde a partagé avec Blasini les palmes du martyre de l'accompagnement forcé gratuit et obligatoire.

Au moment où nous mettons sous presse, nous recevons la visite de l'architecte de notre propriétaire, qui nous réclame 250,000 francs de dommages-intérêts pour ébranlement de fondations.

Nous envoyons la note à Guillaume, Arnold et le père Walter, qui s'arrangeront avec Rossini comme ils pourront.

Quant à nous, nous ne nous occupons que d'une chose depuis mardi : c'est de boucher dans le parquet avec du mastic les trous que les contre-fa graves de Boudouresque y ont fait, et de secouer les rideaux pour en faire tomber les sol de poitrine et les naturels aigus que Lassalle et Salomon y ont logés.

Nous en avons déjà plein un carton à chapeau.

Nous vendrons tout cela, un de ces jours, à des barytons et à des ténors viciés. C'est une fortune en portefeuille.

ROBERT BRIQUET.

H.[ippolyte] Arseny, « Galerie Poétique du XIXe siècle – Jean Richepin », Le Réveil Littéraire et artistique, 25 décembre 1875, p. 102.

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Que de poètes saintement inconnus même après la publication de milliers de vers ! L'oubli les couvre de ses ombres, et c'est pour jamais.

Jean Richepin, né à Médéah (Algérie), en 1849, n'a livré à la publicité qu'un petit nombre d'ouvrages peu volumineux, et cependant il jouit d'une renommée poétique que n'atteindront jamais bon nombre d'hommes de lettres qui le critiquent de leur mieux.

Dans ce qu’il a écrit, Jean Richepin a fait sentir qu'il avait en lui la force des écrivains de race. Il n'a qu'à vouloir pour le prouver.

Il a collaboré à la Vérité. — Étude sur Vallès. — La Ulhane (nouvelle).

Au Corsaire. — Deux déportés (roman).

À la République française. — Le Disséqué (nouvelle).

À la Renaissance. —Vers, articles, l'Assassin Nu (nouvelle),

À l’Éclipse. — Fantaisies, le Chassepot du petit Jésus (nouvelle).

À Paris à l'Eau forte/— Fantaisies.

Il a fait paraître en volumes :

Étude sur J. Vallès (Lacroix et Verboeckoven).

L'Étoile (Lemerre), drame en un acte, en vers, en collaboration avec "Gill. Jean Richepin a joué lui-même ce drame à la Tour d'Auvergne, dans une représentation offerte par lui à la presse. — Grand succès d'acteur (21 feuilletons). On lui a proposé récemment de jouer Kean aux matinées de l'Ambigu.

Dans le courant de l'année 1876, Jean Richepin fera paraître : 

La Chanson des Gueux (février. — Decaux). —3,000 vers. L'auteur a lu une grande partie de cet ouvrage dans une conférence au boulevard des Capucines.

Les Caresses (mars. — Derenne). — 4,000 vers.

La Mort- des Dieux. —1,000 vers. Ce poème, impossible à publier en ce moment, a été lu dans des soirées et des réunions poétiques. La République française lui a consacré deux passages élogieux de critique dans son feuilleton littéraire.

Les Morts bizarres (avril. —Decaux). — Nouvelles qui renferment celles parues dans divers journaux. (Voir plus haut.)

Jean Richepin fait partie d'un groupe antiparnassien : Pas groupe, mais trinité (Bouchor, Ponchon et lui) ; on les appelle — et ils en sont fiers — les Vivants. —

H. ARSENY.

Complaisance féroce

Sous son joug las de ployer,
De gros pleurs sous la paupière.
Je dis : — Je vais me noyer.
Elle dit : — Prends une pierre.
Je mis la pierre à mon cou.
Mais le nœud fait, je l'accorde,
Ne me serrait pas beaucoup.
Elle dit : — Tire la corde.
Un ruisseau coulait tout près,
Un gué, clair comme une glace,
Très-peu d'eau, fait tout exprès.
Elle dit : — Changeons de place.
Plus loin, dans un entonnoir
Bouillonnant avec colère,
L'eau faisait un grand trou noir.
Elle dit : — Voici l'affaire.
Je dis : — Quoi / dans un tel puits !
Mais c'est la mort sans ressource.
Elle dit : — Qui sait ? — Et puis
Elle empoisonna la source.

(Extrait des Caresses.)

Les petits Mendiants

DEPART

Quand s'entr'ouvent les yeux des marguerites blanches,
Quand la feuille en tremblant palpite au bout des branches,
Quand les lapins frileux commencent le matin
A sortir du terrier pour courir dans le thym,
Quand les premiers oiseaux chantant leurs chansonnettes
Font dans le ciel plus pur vibrer leurs voix plus nettes,
A l'époque où le monde heureux se rajeunit,
Les petits mendiants doivent quitter leur nid.
Ils sortent de la hutte, oh, comme des marmottes,
Ils ont dormi l'hiver auprès d'un feu de mottes,
Ce pendant que la mère attisait le brasier
Et tressait en chantant des corbillons d'osier.
C'est en vendant ces blancs hochets aux verts losanges
Qu'ils vont gagner leur pain, les pauvres petits anges.
Le père est mort voici quatre mois ; la maison
Est trop chère à louer, et pour cette raison
La mère chez autrui va devenir servante.
On se retrouvera pour la saison suivante
Quand on aura gagné quelque argent cet été.
En attendant, chacun s'en va de son côté.
Les petits prennent leur baluchon sur l'épaule
Et mettent leurs sabots au bout garni de tôle ;
Et quand la mère avec des sanglots dans la voix
A baisé le dernier une dernière fois,
Ils partent, se tenant par la main d'un air grave.
L'aîné siffle un refrain pour paraître plus brave.
Mais il sent de gros pleurs lui rouler dans les yeux.
Il ne pleurera pas, car c'est lui le plus vieux,
Car le long des chemins voici qu'ils sont en marche,
Et l'enfant de douze ans devient le patriarche.

RETOUR

Toujours tout droit, sans rien regarder, ils cheminent.
Les paysans hargneux de loin les examinent,
Et les enfants poltrons se mettent sur un rang
Pour les voir; car ces gueux n'ont pas l'air rassurant.
Et pourtant ils ne sont que trois, ces trouble-fête,
Et le plus vieux des trois, celui qui marche en tête,
N'a pas treize ans. Mais comme ils sont fauves, hagards !
Une implacable horreur habite leurs regards.
On sent qu'ils ont souffert, jeûné, veillé ? Leurs membres
Disent la faim, la soif, le froid noir des Décembres,
Le soleil lourd, l'averse à flots pointus crevant,
L'étape interminable et les nuits en plein vent.
On comprend qu'ils ont bu la brume qui pénètre
Et râlé quelquefois au pied d'une fenêtre
Où chantaient et flambaient des rires de catin.
Il leur est arrivé de marcher du matin
Au soir, et puis du soir au matin, sans entendre
Le son que fait un sou dans la main qu'il faut tendre.
Il leur est arrivé, le ventre creux, de voir
Des gens repus qui leur refusaient du pain noir.
Et c'est pourquoi leurs cœurs sont des fourneaux de haine.
Mais, la maison où vit leur mère étant prochaine,
Les voilà doux. Près d'elle ils seront apaisés
Et leur bouche d'enfant rapprendra les baisers.
Hélas ! la mère est morte à la tâche. Sa bière
Gît sans nom dans un coin perdu du cimetière.
Ils ne trouveront pas ce soir à leur retour,
Pour consoler le jeûne amer, le pain d'amour.
Et demain, il faudra repartir par les routes,
Et mendier encore, et se nourrir des croûtes,
Des restes, des vieux os que l'on dispute aux chiens.
Mais les chers innocents du coup sont des vauriens.
Ils ne pleureront pas, car l'orgueil les commande,
Et l'enfant de douze ans devient un chef de bande.

(Extrait de la Chanson des Gueux.)

Le Chaos

Le chaos, entraille et gouffre !
Épouvantable rumeur !
Tout y naît et rien n'y meurt,
Rien n'y vit et tout y souffre.
Là, sous d'insondables flots,
Comme des fantômes blêmes
Le tourbillon des problèmes
Roule avec d'obscurs sanglots.
Ainsi l’on voit sous les vagues,
Parmi les mouvants limons,
Frissonner des goémons
Les bras douloureux et vagues.
Les futurs et les passés
Se cherchent sans se connaître :
Va-t-il donc jaillir un être
Des contraires enlacés ?
Les bonds se heurtent aux chutes.
Le silence est fait de bruit.
L'éclair est noir. L'ombre luit.
Ces baisers sont-ils des luttes ?
Comme des serpents tordus
Les hasards mêlés aux choses
Ont pour enfanter les causes
Et de ces viols immondes,
Sans loi, sans but, sans amour,
Naissent ces bâtards d'un jour
Que nous appelons des mondes.

(Fragment de la Mort des Dieux.)

JEAN RICHEPIN

Anonyme, « La Soirée du Tintamarre », Le Sifflet, 26 décembre 1875, p. 3.

Ce document est extrait du site RetroNews.

Notre confrère Léon Bienvenu nous a réunis mardi dans son salon pour nous faire passer une charmante soirée. On va voir par le programme quels étaient les acteurs connus et les chanteurs célèbres qui ont apporté leur concours à cette aimable solennité.

Coquelin cadet a d’abord dit une poésie amusante de M. Richepin ; puis il a joué avec Mlle Bianca la spirituelle saynète de Verconssin, intitulée : En Wagon.

Salomon, Boudouresque et Lassalle ont chanté avec grand succès le trio de Guillaume Tell.

Bruet, de l’Eldorado, a tyroliennisé agréablement.

Ismaël, Thiéron, Queulin, Blasini, Henri Cellot et Mlle Degremont ont successivement charmé l’assistance.

Enfin, nous avons eu une primeur, une véritable primeur ; Mlle Julia Hisson, depuis trop longtemps éloignée de notre grande scène française, a chanté d’une façon tout à fait remarquable l’air de la Reine de Saba.

Nous espérons la revoir bientôt à l’Opéra et à la première place – place justement méritée et absolument due à cette grande artiste.

Parmi les assistants se trouvaient Édouard Lockroy, Edmond Magnier, Scholl, Paul Courty, Brévannes, Barbou, Hassan, Henri Meyer, Raoul Dral, Lafosse, Richepin, Paz, Ulbach, Charles Leroy, Silly, etc., etc.