1880
Février↑
Dancourt [Adolphe Racot],
« Courrier de Paris », La
Gazette, 6 février 1880, p. 2.
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[…]
Autre exemple, M. Jean Richepin dont les idées athées et excessives ne m’empêcheront jamais de reconnaître le grand talent d’écrivain, solide et nourri de fortes études, publia il y a trois ans, la Chanson des Gueux. Certes il y avait là des appels violents, des tableaux féroces. On saisit le livre, et on ne le rendit qu’après suppression, destruction, de trois ou quatre poëmes particulièrement signalés. Car il s’agissait de vers, remarquez-le. Ce n’était plus de la prose, comme Nana, de la prose qui s’adresse à tout le monde : il s’agissait de petits poëmes, de vers, c’est-à-dire d’une langue qui écarte et ennuie énormément de gens : qui ne s’adresse qu’à des lettrés. A telles enseignes que le premier jour l’apparition de la Chanson des gueux, M. Louis Veuillot, dans L’Univers, tout en signalant les dangereuses tendances du poëte, ne put s’empêcher d’en constater la valeur littéraire. Aujourd’hui il est impossible de se procurer La Chanson des Gueux dans son intégralité. La justice a prononcé : il faut se contenter de l’édition expurgée.
Léon Millot, « Chronique de la
Presse », La Justice,
7 Février 1880, p. 3.
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[…]
La furibonde Gazette de France, qui s'en douterait ? se plaint que l'on ait interdit les diaboliques (à la cantharide) de Barbey d'Aurevilly, qu'on ait mutilé l'Arétin, qu'on ait coupé Jean Richepin, et Ch. Baudelaire, et que Mme Marc de Montifaud ait été traduite devant les polices les plus correctionnelles. Oui, Dancourt de la Gazette s'apitoie à la pensée que jamais, au grand jamais, on ne pourra proh ! pudor ! relire la Lesbos de Baudelaire, cette apologie de Mlle Giraud ma femme avant la lettre et que certaine pièce de Richepin, frappée par la justice, soit perdue pour la postérité.
Nous partageons les regrets de Dancourt ; malheureusement cet accès de libéralisme inattendu n'est qu'à fleur de peau. C'est pour demander des poursuites contre Nana qu'il plaint Baudelaire, Mme Marc de Montifaud et Richepin.
[…]
Christian de Trogoff,
« Courrier des théâtres », Le Corsaire, 23 février 1880,
p. 4.
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Une bonne nouvelle pour les délicats : Notre collaborateur Jean Richepin vient de terminer un grand drame en cinq actes, en vers, qui sera joué l'hiver prochain à l'Odéon.
Bon début pour M. de La Rounat.
Octobre↑
Arthur Meyer, « L’heure de
l’absinthe », Le
Gaulois, 30 octobre 1880, p. 1.
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[…]
Cinq heures. Au café Américain, MM. Chapron, Richepin, Silvestre, causent autour de la même table.
M. Chapron a de l'esprit, mais il a surtout une malignité qu'il sertit dans un style très précieux. Les phrases sont travaillées et rendues bizarres à plaisir par un mélange de tournures propres aux vieux écrivains et d'expressions modernes – ou futures. La philosophie de M. Chapron est celle de M. Prudhomme. Il fait profession, avec un talent excessif, de préférer à une artiste la ménagère qui ravaude les bas de ses enfants. Il n'aime plus les femmes, et cela lui donne un air blasé qui sied. Pour M. Richepin, il s'étudie à être journaliste et il essaie de se débarrasser de la toge universitaire dont il reste toujours un pan pour la doublure de son veston. Affectant un langage souvent mâtiné d'argot, il ne peut, à son regret, dissimuler tout à fait le normalien Richepin qui était sans doute un habile en vers latins. Il se permet le hiatus et éveille l'idée d'un professeur de rhétorique avec un faux nez. Il est l'auteur d'un livre qui promettait un grand poète et le donnait presque : La Chanson des gueux. On le retrouvera quelque jour.
Novembre↑
Tout-Paris, « M. Barbey
d’Aurevilly », Le
Gaulois, 16 novembre 1880, p 1.
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Au cirque d'Eté, les samedis soirs, vous le rencontrerez en cravate rouge brodée d'or, sa redingote pincée à la taille, ses gants à côtes moulant sa main de patricien. Son pantalon de tricot blanc rayé d'une bande de soie vert tendre ou rose pale, braquant sur les jambes de Mlle Océana ou sur la taille svelte de Mme Elisa un jumelle de capitaine de vaisseau ; « mon canon Krupp », dit-il plaisamment. Sa figure, basanée comme celle d'un Maure, est largement coupée d'une moustache de bachi-bouzouk, et, s'il soulève son chapeau pour saluer un spectateur qui passe devant lui en gagnant sa place, le regard stupéfié de la voisine, s'aperçoit que la coiffe du chapeau est, elle aussi, d’un rose exquis. Et cependant il cause haut, darde des mots comme des flèches – porte à sa bouche la corne de cerf qui termine sa mince cravache, celle de ses cannes qu’il appelle plaisamment « sa femme » – corne de cerf autour de laquelle s’enroule un anneau d’argent timbré de son blason symbolique : deux barbeaux d’azur sur champ de sable. Inoubliable apparition qui fait se retourner la badauderie vulgaire, et aussi le véritable lettré qui reconnaît un des princes de la critique et du roman, dans le dandy cambré sur sa stalle et suivant avec passion : les cabrioles de ces acrobates aux maillots bariolés. « Ils font avec leur corps ce que nous faisons avec nos phrases, dit-il à l'ami qui l'accompagne, et qui d'ordinaire est Octave Uzanne, le bibliophile délicat, ou Jean Richepin, un poète qu'il aime, autant pour son talent que pour sa préoccupation du dandysme.