Corpus de textes du Laslar

1918

Mars

Anonyme, « M. Jean Richepin à l’honneur », Le Carnet de la semaine, 3 mars 1918, p. 7.

Ce document est extrait du site RetroNews.

C'est donc M. Jean Richepin qui recevra le Maréchal Joffre à l’Académie Française. M. Maurice Barrès va être jaloux. M. Jean Richepin, lui, est fort content. La réception du Maréchal fera certainement le maximum, et, beaucoup plus que devant le public des « Annales », l’auteur du Chemineau trouvera une occasion de faire valoir ses qualités oratoires. S’exprimera-t-il sur le mode prosaïque, ou bien, en dépit des traditions académiques, sur le mode lyrique ? Si M. Jean Richepin parle en vers sous le prétexte qu’il est poète, il faudra donc que Joffre parle par la bouche des canons, sous cet autre prétexte qu’il est maréchal !

Les voix se rencontrèrent toutes sur le plus grand nom de la plus grande guerre.

— C’est que Galieni est mort, dit un des votants. On sait qu’un bulletin désigna Foch. La presse a parlé à ce propos de plaisanterie. Nous croyons savoir que ce vote avait valeur d’opinion, sinon stratégique du moins politique. Mais lequel parmi les immortels », a commis cette entrave à l’union sacrée de l’élection ?

L’amusant serait que ce fut M. Jean Richepin lui-même, que le seul hasard du roulement a voué à l’honneur de recevoir le Maréchal Joffre.

Septembre

Pierre S., « Les cours de M. Jean Richepin », Les Annales politiques et littéraires, 15 septembre 1918, p. 6.

L’Âme Américaine

A travers quelques-uns de ses poètes, penseurs et écrivains.

La série de M. Jean Richepin excite une vive curiosité : Elle est tout entière consacrée à nos amis d'Amérique. L'éminent poète à travers l'histoire et la littérature américaines veut montrer la formation lente de cette race qui a commencé par les Peaux-Rouges et s'épanouit magnifiquement dans le héros d'aujourd'hui.

Nous n'avons plus le choix d'ignorer les événements qui ont forme leur caractère et leur génie particulier. Tout de l'Amérique nous devient cher, et dans la promenade merveilleuse que M. Jean Richepin nous fera faire à travers leurs philosophes, leurs poètes, leurs écrivains, leurs grands hommes, nous reconnaîtrons les signes précurseurs de l'Américain d'aujourd'hui que nous avions pressenti, en mêlant jadis noire fortune à la sienne et qui, aujourd'hui, dans un élan inouï, vient au champ d'honneur mêler son sang au nôtre.

Voici l'ordre de ces conférences qui auront lieu le mercredi à partir du 20 novembre.

I. La vieille terre des Peaux-Rouges, le Dernier des Mohicans, de Fenimore Cooper à Longfellow.

II. La mêlée des races depuis le XVIIIe jusqu'au XXe siècle.

III. La guerre de l'Indépendance et la nation constituée.

IV. Le premier Américain type : Benjamin Franklin.

V. La case de l'oncle Tom, les Poètes antiesclavagistes.

VI. Le grand romancier Nathaniel Hawthorne.

VII. Le philosophe-poète Emerson.

VIII. Les humoristes : d'Irving à Marc Twain.

IX. La Californie : Bret Harte et le Klondike Jack London.

X. Edgar Poe. L'exilé de l'art pour l'art.

XI. Le prophète de la Démocratie : Whitmann.

XII. Le dernier métaphysicien de l'Amérique : William James.

XIII. La Femme américaine.

XIV. Poètes d'hier, d'aujourd'hui, de demain.

XV. Les trois grands Présidents : Washington, Lincoln et Wilson. La nouvelle Atlantide.

M. Jean Richepin qui parle parfaitement l'anglais, est plongé tout le jour dans des bouquins anglais — ou plutôt américains. — Il découvre des chefs-d'œuvre et y prend un plaisir infini... Un plaisir moindre évidemment que celui qu'il donnera à son auditoire par sa parole évocatrice.

Ces conférences paraîtront toutes dans le Journal de l'Université. Toutes les poésies, toutes les pages d'auteurs célèbres lues par M. Jean Richepin, seront données dans le texte original, c'est-à-dire en anglais avec la traduction en regard... Cela sera une excellente leçon d'anglais — dans un temps où tout le monde doit apprendre et savoir cette langue désormais mondiale et cela donnera au journal un intérêt original et classique.

PIERRE S.

Octobre

Anonyme, « La débâcle touranienne », Mercure de France, 16 octobre 1918, p. 765.

Ce document est extrait du site RetroNews.

Autrefois, M. Jean Richepin se vantait volontiers de son origine touranienne. C’est fini maintenant. Devenu poète national sans avoir de grands dons – et combien il faut l’en louer – pour la poésie officielle, le poète de la Chanson des gueux chante aujourd’hui « l’obstiné poilu », fait rimer plusieurs fois dans un quart d’heure « monde » avec « bête immonde », bref, il s’ennuye. Où est le temps – heureux âge – où il pouvait en toute innocence du cœur et croyant la chose possible parler dans un poème de « squelettes de phallus ». On était fort comme un Turc. Aujourd’hui il vaut mieux parler d’autre chose. La double défaite des Bulgares Turcomans et des Turcs de Palestine a ôté tout son charme à l’origine touranienne. Il n’y a plus qu’un académicien qui conserve quelque indulgence pour la Turquie, c’est M. Pierre Loti qui évoque parfois non sans plaisir Azyadé et d’autres fantômes d’Orient.