1921
A. de Bersaucourt, Au temps des Parnassiens. Nina
de Villard et ses amis, La Renaissance du Livre, 1921, p.
140-141.↑
M. Jean Richepin, déjà célèbre par son recueil Les Caresses, vêtu superbement d’un gilet brodé de fleurs vermeilles et boutonné de corail rose, M. Jean Richepin pareil, en sa radieuse et triomphante jeunesse, à quelque roi barbare, donnait des conseils, approuvait, désapprouvait, dirigeait, le geste altier et la voix impérieuse, à moins qu’il n’interrompît Nina, plantant des clous elle aussi, pour l’enlever dans ses bras robustes et l’embrasser, ou pour lui réciter, {141} d’une voix tendre et emportée, le rôle que, auteur et acteur, il jouerait prochainement ; car M. Jean Richepin interprétait ses pièces quand on les jouait chez Nina.
Janvier↑
Joseph Uzanne, « Jean
Richepin », Le
Cornet, Janvier 1921, p. 5.
Le maître illustre, qui a tenu à présider le banquet offert par Le Cornet au compagnon de sa jeunesse brillante, à Raoul Ponchon, était mieux qualifié que quiconque pour porter le toast au poète bon enfant, joyeux et lettré de la Muse au Cabaret. En effet, depuis les exemples restés fameux de la rare sympathie qui ne cessa, dans notre vieille poésie française, d'unir, dans un même sort fraternel, de semblables compagnons : Ronsard et Baïf, Molière et Chapelle, La Fontaine et Maucroix, rien ne s'était vu de si touchant encore que cette parfaite et profonde amitié qui rapprocha, dès leur début dans les lettres, des hommes de la valeur de Jean Richepin et de Raoul Ponchon.
Vous ne serez qu'une aubergine
Si vous n'avez pas vu Ponchon !
Ce défi, lancé dès l'époque de la Chanson des Gueux, par Jean Richepin aux sots et aux ignorants qui ne connaissaient pas encore notre nouveau Saint-Amand, notre nouveau Glatigny qu'est devenu Raoul Ponchon, avait le don de mettre en joie le plaintif et doux Verlaine. L'auteur des Fêtes galantes trouvait très amusant cette comparaison d'un sot avec une aubergine. Au reste, les sots sont des gens qui méprisent le vin et n'ont que faire de venir s'asseoir au cabaret, un cabaret tout flambant de ceps, tout tintant de refrains bachiques, bien digne des Pomme de Pin et des Mouton blanc d'autrefois, où Raoul Ponchon et Jean Richepin se connurent tout d'abord. Il faut dire, pour ajouter une raison de plus à la parfaite concordance, à l'étroite assimilation de deux talents et de deux caractères, que nos deux amis, qui vibraient alors des mêmes enthousiasmes, des mêmes espérances, de la même foi, étaient on ne peut plus contemporains. Ponchon est né à La Roche-sur-Yon, en 1849, et, dans la même année, Richepin vit le jour au fond de l'Algérie, à Médéah, par un même événement qui, selon les caprices de la vie militaire de son père, fit que Victor Hugo naquit à Besançon.
Rappelant cette circonstance dans la séance de l'Académie française, où Jean Richepin vint prendre place dans le fauteuil d'André Theuriet, Maurice Barrès ne manqua pas d'évoquer les origines presque légendaires de l'auteur des Blasphèmes et de la Chanson des Gueux : « Vous êtes le fils d'un officier. C'est au hasard de la vie de garnison que vous avez dû de naître en Algérie. Toute votre parenté paternelle et maternelle vivait sur la terre de Thiérache. Un de vos oncles ensemençait ses champs lui-même, disant que lui seul savait ce que chaque sillon pouvait rendre. Vous êtes bien un homme du terroir français... »
Ces origines rurales, Richepin lui-même leur fait honneur. Ne l'avons-nous pas vu, pendant la grande guerre, écrire les articles les mieux informés sur le problème du pain, le calendrier de la culture ? Puis s'adressant au poète, l'éminent académicien continua : « La postérité recueillera, à côté de vos écrits et comme un témoignage illustre de votre génie, votre légende touranienne. Elle se plaira, Monsieur, à dire qu'un jour un jeune homme de Thiérache a vu passer la roulotte et qu'il y est monté. Qu'avez-vous vu, Monsieur, dans l'ombre de la voiture ? Les beaux yeux d'une fille tzigane, ou bien n'étiez-vous sensible qu'au roulement d'un paysage, chaque matin renouvelé ? »
La fille Tzigane, nous savons tous qu'elle est Miarka, la Fille à l'Ourse, l'une des plus délicates créations du Maître, Miarka qui, est à son œuvre ce que la Esmeralda est à l'œuvre de Hugo, Carmen à l'œuvre de Mérimée. Et pour les paysages, nous savons que Jean Richepin, à travers ses vastes randonnées, en a contemplé d'admirables ! Au fond, de ses œuvres, lyriques ou dramatiques, ces décors flamboyants apparaissent toujours, avec l'amour du large, de l'espace et de la mer.
De cette vie miroitante, ondoyante, aux détours imprévus, aux aventures burlesques et magnifiques, aux joies toutes lyriques et aux privations misérables, Richepin rapporta, en 1876, La Chanson des Gueux, le chef d'œuvre qui devait le rendre célèbre.
...Le poète est le roi des gueux, -
disait fièrement le poète, en manière de définition. Et comme c'était un Touranien que ce poète et qu'il était glorieux, de ses ancêtres, n'ajoutait-il pas :
O gouttes de mon sang, voilà donc votre histoire
Et les chansons que vous chantez !
Ces chansons, qui nous apparaissent aujourd'hui, dans leur liberté, bien innocentes, ne furent pas du goût des gardiens prud'hommesques de la morale d'alors. Sur la dénonciation du Charivari, le livre fut saisi, le 24 mai 1876, et l'auteur fut condamné, le 15 juillet suivant, à un mois de prison et 500 francs d'amende ; comme Vallès, comme Baudelaire, comme Flaubert, Richepin se classait, dès lors, dans la famille des réprouvés des lettres. Après trente jours passés à Sainte-Pélagie, le poète de La Chanson des Gueux sortit de prison pour entrer dans la gloire.
Barbey d'Aurevilly, qui, lors des fameuses poursuites, s'était empressé à lui apporter son témoignage, avait bien démêlé la tradition qui relie Jean Richepin aux ancêtres de notre poésie.
« Le Villonesque et le Rabelaisien », voilà les épithètes que l'auteur du Chevalier des Touches se plaisait à user en le comparant à ses devanciers du fier langage. — Ce qu'il admirait, chez Jean Richepin, c'est ce feu de la poésie qui anime jusqu'aux cris de la révolte, — « L'homme qui chante ainsi, proclamait d'Aurevilly, dans une belle envolée, est un poète, il a l'expression, la passion, la palpitation du poète... »
Maintenant que les années ont passé, que la justice et la gloire sont venues, pour Richepin, comme, aussi tardivement, pour Ponchon, nous pouvons reconnaître que le poète des Gueux a magnifiquement mérité ce jugement du « Connétable des Lettres ». En poésie, il a donné : Les Caresses (1877), Les Blasphèmes (1884), La Mer (1886), Mes Paradis (1894). Dans le roman, il a publié : Les Morts bizarres (1876), Madame André (1878), Césarine (1888), Le Pavé (1883), ce Pavé sur lequel il a si bien campé ses héros de la misère, La Glu (18S1), qui est digne de la Sapho d'Alphonse Daudet ; Braves gens (1887), Le Cadet (1890), Lagibasse (1899), Contes Espagnols (1901) ; et ce sont là autant de pages qui illustrent les lettres françaises et donnent un prix inappréciable à notre patrimoine d'art et de poésie.
Mais, dans l'œuvre d'une si féconde et si riche diversité de Jean Richepin, nous ne saurions passer sous silence : Le Chemineau (1897), La Gitane (1899), Le Flibustier (1888), Par le Glaive (1892), La Martyre (1898), Le Chien.de garde (1898), ce serait montrer, privée de tous ses fleurons, cette magnifique couronne lyrique, ce serait comme l'omission, dans l'œuvre de Victor Hugo, d’Hernani, de Ruy Blas et de Marion de Lorme. Au théâtre, Jean Richepin a transporté la même fougue et montré la même puissance superbe que dans ses poésies. Tantôt, comme dans Nana Sahib, où l'auteur joua lui-même sa pièce à côté de Sarah Bernhardt (1883), et aussi dans Le Flibustier, le maître a prêté sa belle carrure, sa mâle silhouette et sa diction parfaite à ses créations. Et, d'autre fois, comme dans le Théâtre Chimérique, si près du Théâtre en liberté de Victor Hugo et des comédies de Théodore de Banville, il est demeuré tout tranquillement au coin de son feu, à écrire, pour notre joie de lecteur, de jolies piécettes, des scènes italiennes et picaresques, et aussi de ces caprices où la fantaisie apporte son imprévu, son ironie, sa tendresse profonde et délicate.
Un tel Théâtre, si parfaitement lyrique, tout vivant de poésie et sonore de rimes, est bien tout ce qu'il y a de plus joli au monde, Mais ce divertissement supérieur n'est pas le seul auquel, pour notre plaisir, se soit livré un artiste si prestigieux, un si puissant poète ; à côté du dramaturge, il y a, chez Jean Richepin, un conférencier incomparable, aussi éloquent qu'érudit. — Conférencier ! certes, ce mot peut sembler quelque peu académique ; Or, Jean Richepin, depuis le 18 février 1909, est membre de la docte compagnie. « Ah ! que nous voilà loin. Monsieur, de la chanson tzigane ! » Ces mots de Maurice Barrès, recevant le récipiendaire au fauteuil du bucolique Theuriet, sont-ils tout-à-fait exacts ? Jean Richepin, il est vrai, s'est bien assis sous la Coupole et l'âme charmante et légère de feu Gaston Boissier s'est réjouie de voir l’auteur de La Chanson des Gueux travailler bien sagement au Dictionnaire ; mais ces gueux, leur clinquante et vivante épopée, les deux fils de Jean Richepin ne continuent-ils pas à en écrire l'histoire, à en chanter la légende ?
JOSEPH UZANNE.
Mai↑
Marcel Vailly, « Les Livres de
la semaine », Le Phare de
la Loire, 13 mai 1921, p. 2.
Ce document est extrait du
site RetroNews.
Les amateurs de fortes sensations pourront se délecter à la lecture du nouveau volume du maître Jean Richepin, de l’Académie française, que vient de publier Flammarion sous le titre : Le Coin des Fous (prix, 7 fr.50)
Les deux mots : Contes horribles, ajoutés par Jean Richepin au titre de son livre, indiquent suffisamment le genre d’émotions qu’il réserve au lecteur. Et je vous garantis que l’illustre académicien fait bonne mesure. Bien des écrivains ont abordé, souvent avec succès, ce genre si spécial du conte de terreur. Nul n’a jamais dépassé la maîtrise de Jean Richepin. Son triple talent de poète, de romancier et de dramaturge est mis, là, au service d’une imagination absolument déchaînée, en même temps que d’une psychologie pénétrante qui vous remue jusqu’aux entrailles. L’horreur de ces contes — tels que l’on pourrait en vivre si cette terre était, un habitacle d'aliénés — réside moins dans les sujets, que dans l’art diabolique avec lequel l’auteur fait participer le lecteur, bon gré mal gré, à l’action de ces petits drames, et parvient à le faire douter si, oui ou non, il a bien sa tête à lui.
...Et c’est là que commence l’horreur.
Lisez Le Coin des Fous, délectez-vous cruellement à vous faire hérisser d’horreur le système pileux !
Octobre↑
Joseph Aynard, « La Grande
Éclipse du grec et du latin », Journal des Débats, 1er octobre 1921, n.p.
Voici déjà quelques années qu’il n’y a plus qu’un seul « cycle » d’études secondaires en France, qui comprend à la fois le grec et le latin, et ce cycle est celui qui réunit le moins d’élèves. Le grec a cessé d’être obligatoire dans les Universités anglaises. Avant la guerre déjà, les études qu’on appelle en Allemagne Klassische Philologue commençaient à être délaissées. La Russie des tsars n’avait jamais donné aux études classiques la même importance que l’Europe occidentale ; il est peu probable que la Russie des Soviets songe à les restaurer.
Mais c’est à propos de la France seulement que nous voudrions présenter quelques réflexions sur cet abandon presque général de la langue grecque, sur cet affaiblissement
Novembre↑
Anonyme, « La démission de M.
Gavault », Le Petit
Parisien, 3 novembre 1921, p. 1.
M. Gavault, directeur de l’Odéon, a adressé au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, sa démission pour convenances personnelles.
Le ministre de l’Instruction publique a accepté cette démission. Nous croyons savoir que nulle décision ne sera prise avant le retour de M. Briand.
D’ici là, M. Bérard recevra les déclarations de candidature et les candidats.
Ajoutons que M. Jean Richepin, de l’Académie française, et Jacques Richepin, en association, ont annoncé hier soir qu’ils posaient officieusement leur candidature à la direction du second Théâtre-Français.